8.5.06

Reve

Je me réveille dans la belle lumière qui envahit ma chambre, heureux, incrédule, avec une sensation de plénitude qui accélère les battements de mon coeur. La fenêtre est ouverte sur le jardin ; peu à peu, par bribes, me revient le rêve que je faisais à l'instant et je comprends que ce sentiment d'exaltation vient de lui.
Je suis assis devant un ordinateur, au bureau sans doute, mais ce n'est pas certain ; je ressens une présence féminine douce et puissante auprès de moi, ou plus précisément derrière moi. Comme à son habitude, elle observe ce que je fais. Mais oui, comme à son habitude, parce que c'est Aline, l'inspectrice de gestion qui vient de temps en temps à l'agence pour superviser nos comptes et nous former à de nouvelles techniques. Elle doit venir prochainement et je sais, sans me l'avouer, que j'en suis heureux. Je suis perplexe dans mon lit, les yeux au plafond où dansent les ombres vertes des tilleuls du jardin, perplexe car je réalise que mon ordinateur n'a pas son clavier habituel, c'est le clavier d'un immense et magnifique piano à queue et je joue, oui je joue une sonate, peut-être de Mozart ou de Haydn... C'est une musique à la fois joyeuse et ordonnée et Aline écoute intensément je le sens.
Il y a un autre personnage dans ce rêve, assis non loin de moi, tout gris. Il tousse et crache dans un bocal, indifférent comme toujours à ce qui n'est pas lui, c'est à dire, à moi. Je suis surpris d'avoir pensé "comme toujours"...Comme toujours a été mon père, présent-absent, enfermé encore plus en lui-même maintenant par sa maladie.
Et puis, je suis dans le jardin ; c'est sur un fauteuil à bascule que je suis assis, les yeux clos. Je me balance pour ressentir plus fort ce mouvement rythmé dans mes jambes et dans tout mon corps. J'ouvre les yeux et regarde autour de moi ; c'est la beauté d'un jardin de Toscane et mon fauteuil roulant a disparu ! Malgré les encouragemnts du kiné, Papa n'a jamais cru que je pourrai récupérer l'usage de mes jambes. Quand j'étais au collège, il n'a jamais cru à la force de mon désir de devenir musicien ; il a décidé que, vu mon état, un travail de bureau me conviendrait bien ; en réalité, je le sais maintenant, il n'a jamais cru en moi, c'est tout.
Mes béquilles sont là près de mon lit, il fait beau, je sens une force de géant grandir en moi... Mettre de l'ordre dans ce flot de pensées et d'émotions et, surtout, vite, passer à l'action, la mienne, enfin !

Gisèle Marsillac